


Thomas Biscaro
Unité 9
Supervisé par Jérôme Lapierre
Contre-utopie du lieu d’omnicide
Scénarisation spéculative de l’architecture comme révélateur des conséquences de l’inertie sociétale contemporaine (Partie I-VIII)
E(P)
Près de la frontière entre la Chine et la Mongolie, la ville de Baotou transforme silencieusement le cours de notre réalité. Elle extrait près de la moitié des métaux rares du monde, nécessaires à la fabrication de nos téléphones, ordinateurs et véhicules électriques - symboles d’un progrès que l’on croit inévitable. Mais ce progrès a son envers, dissimulé dans les marges du visible et de notre conscience, là où s’entassent les vérités que nous refusons d’assumer. À dix kilomètres de la ville, un lac artificiel recueille les déchets chimiques et radioactifs de cette industrie. Plus rien n’y vit. Ce lieu déserté incarne une forme d’omnicide, une possibilité bien réelle: celle d’un effacement de la vie, causé par l’humain lui-même. Le lac s’étend, discrètement, loin de nos yeux. Et pendant ce temps, la frénésie de consommation se poursuit, sans mémoire, sans pause.
C’est dans ce contexte que l’essai-projet explore le potentiel d’une architecture spéculative à agir comme catalyseur de prise de conscience à l’inertie collective face aux impacts de nos pratiques contemporaines sur le futur.
Le projet prend la forme d’une scénarisation architecturale, une contre-utopie, une solution vouée à l’échec. Isolée au centre du lac, l’usine de décontamination tente de purifier l’eau et la terre — en vain. Chaque geste est rompu par le remplissage constant du lac. Elle devient alors une scène absurde, où l’architecture reflète nos contradictions : réparer ce qu’elle ne peut empêcher.
Chaque jour, l’ouvrier s’y rend. Il affronte l’immensité et le silence du lieu, il répète son rituel oppressant, rythmé par les cris de la machine. Ses gestes persistent, bien qu’il sache leur futilité. Rien ne résiste à cette inertie qui le déborde. Décontaminer, pour quoi ? Le lac continue de monter. Le déni s’effrite. Le débordement approche.
L’architecture devient matrice de notre anti-mémoire. Elle témoigne et devient forme bâtie de notre déni, tout en nous forçant à regarder. Elle ne propose pas de solution, elle rend visible.